Place Saint-Germain-des-Prés
La façade principale
L’histoire de l’actuelle église Saint-Germain-des-Prés est intimement liée à l’abbaye royale fondée au milieu du VIe siècle par le roi mérovingien Childebert Ier et l’évêque de Paris, Germain (496-576), alors placée sous le vocable de Saint-Vincent-et-Sainte-Croix. Relevant directement du Pape, la nouvelle abbaye, rapidement dotée d’une église abbatiale, bénéficia d’une exemption fiscale à l’origine de son extraordinaire prospérité.
Childebert, fils de Clovis, avait fondé cet établissement religieux afin d’honorer la tunique de saint Vincent et une croix d’or de Tolède, reliques ramenées de Saragosse lors d’une expédition menée contre Amalaric, roi wisigoth d’Hispanie. Le souverain y fut inhumé en 558, ainsi que ses successeurs sur le trône de France et leurs épouses, si bien que les lieux furent, bien avant Saint-Denis, la nécropole des rois de France.
Détail du plan général de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, in : Histoire de l’abbaye royale de Saint-Germain-des-Prez [...], Paris, 1724.
L’évêque de Paris fut, quant à lui, inhumé dans la chapelle Saint-Symphorien, à laquelle le fidèle pouvait accéder par le vestibule de l’abbatiale Saint-Vincent. En 756, son corps fut transféré au sein même de l’abbatiale, que l’on associa peu à peu à Germain. Le culte du saint fit naître le désir d’être inhumé à proximité de sa sépulture et entraîna la création d’un cimetière réservé aux serviteurs de l’abbaye, situé tout contre l’abbatiale et près de la chapelle Saint-Symphorien. C’est à ce moment que « Saint-Germain-des-Prés » devint le nom usuel de l’abbatiale.
Michel Germain (1645-1694)
L’Abbaye de Saint-Germain-des-Près, 1687, in : Monasticum Gallicanum
Largement dotée de terres, l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés dut faire face aux nombreuses invasions normandes et subit, en 861, un terrible incendie. Pillée et saccagée en 885 et 887, lors du Siège de Paris, elle fut rebâtie par l’abbé Morard, vers l’an 1000. De cette seconde abbatiale, le fidèle peut encore admirer les quatre premiers niveaux du clocher occidental, la nef et le transept, qui font de Saint-Germain-des-Prés, l’un des rares témoignages d’architecture romane à Paris. Son chevet était alors flanqué de deux tours, qui furent arasées en 1822.
La chapelle Saint-Symphorien : vue générale et détail des peintures de l’arc triomphal
Vers 1010, l’abbé Morard fit également reconstruire et agrandir la chapelle Saint-Symphorien. Elle prit la forme d’un vaste bâtiment rectangulaire, éclairé de fenêtres hautes en plein cintre. La chapelle Saint-Symphorien présente aujourd’hui des murs de moellons, dépouillés de leur décor de boiseries.
Du côté de l’autel, l’arc triomphal porte encore quelques traces de peintures murales sur l’intrados, notamment le visage d’un Christ nimbé d’une auréole cruciforme.
Un détail de la gravure de Michel Germain
En 1024, la règle bénédictine de Cluny s’imposa à Saint-Germain-des-Prés. C’est un peu plus tard, vers 1145-1155, que le chœur de l’abbatiale fut démoli et remplacé par un sanctuaire gothique beaucoup plus vaste, large et profond, comprenant un déambulatoire et des chapelles rayonnantes.
En plus de ce sanctuaire, dédicacé en 1163, de nouveaux bâtiments du même style gothique sortirent de terre : un cloître, une salle du chapitre et des dortoirs. Entre 1245 et 1255, l’architecte Pierre de Montreuil édifia un réfectoire et une grande chapelle à vaisseau unique, dédiée à la Vierge (voir détail de la gravure : n° 12 et n° 6).
Un détail de la gravure de Michel Germain et une vue de la façade de l’ancien palais abbatial
Détenant des droits de justice, et disposant d’un pilori et d’une prison, l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés disputa l’appartenance du Pré-aux-Clercs à l’Université, finalement vendu aux Bénédictins en échange d’un terrain mitoyen. Près de l’abbaye soigneusement fortifiée, Louis XI autorisa, en 1483, le développement d’une foire qu’il voulait aussi importante que celle de Saint-Denis.
En 1586, l’architecte Guillaume Marchant éleva, à la demande du cardinal-abbé Charles Ier de Bourbon (1523-1590), un vaste palais-abbatial en brique et pierre (voir détail de la gravure : n° 21), dont la Cour d’honneur occupait l’emplacement de l’actuelle rue de Fürstenberg.
Le porche occidental
Au XVIIe siècle, plusieurs travaux de remaniement modifièrent l’aspect général de l’abbatiale. En 1607-08, on appliqua, contre le clocher occidental, un porche d’entrée d’inspiration classique, comprenant pilastres doriques, arcade en plein-cintre et fronton pointu.
De nouveaux travaux furent engagés lorsque la congrégation bénédictine de Saint-Maur choisit, en 1630, d’établir sa maison-mère à Saint-Germain-des-Prés. Connus pour leur haut niveau d’érudition, les « mauristes » ramenèrent les établissements bénédictins, tombés dans la désorganisation et le laxisme, à un régime monastique strict. Entre 1644 et 1646, ils firent couvrir la nef, les bas-côtés et le transept d’une voûte sur croisée d’ogives, à l’imitation du chœur gothique, et décorer la chapelle Sainte-Marguerite d’éléments de décor plus modernes. A l’extérieur, ils remplacèrent le portail méridional par la porte Sainte-Marguerite, d’inspiration plutôt baroque.
Devenu abbé de Saint-Germain-des-Prés en 1697, Guillaume-Egon de Fürstenberg fit percer plusieurs voies de communication dans l’enclos de l’abbaye : l’actuel Passage de la Petite-Boucherie, les rues Cardinal et de Fürstenberg. L’état de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés traversa, au XVIIIe siècle, une période plus difficile, nécessitant d’importants travaux de restauration. Pour renflouer les finances de l’établissement religieux, Henri III de Thiard, nommé abbé commendataire en 1715, fit percer de nouvelles rues au sud de l’enclos et bâtir des immeubles de rapport, dont il confia la construction à l’architecte Victor-Thierry Dailly.
Son successeur Louis de Bourbon-Condé, comte-abbé de Clermont (1709-1771), porta son effort sur les restaurations et remaniements intérieurs du palais-abbatial, confiés à Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne (1711-1778), petit-fils de Jules Hardouin-Mansart. Le palais de la Renaissance fut alors mis au goût du jour : boiseries, cheminées et corniches de style « rocaille » dans les salons, fenêtres à petits carreaux en remplacement des croisées à meneaux…
A la mort du comte de Clermont, Louis XV renonça à nommer un nouvel abbé commendataire et se réserva les revenus de l’abbaye. Louis XVI nomma Charles-Antoine de La Roche-Aymon, avant de suivre, à la mort du dernier abbé de Saint-Germain, l’exemple de son prédécesseur.
Confisqués comme « bien national » en 1792, les bâtiments monastiques furent vendus et les trésors de l’abbaye, largement dispersés. En 1794, l’explosion de douze tonnes de poudre réduisit la bibliothèque en cendres. L’ancienne abbatiale fut rendue au culte en 1803, peu après la destruction de la chapelle qui avait été bâtie par Pierre de Montreuil. A la même époque, on traça de nouvelles voies au travers de l’abbaye : les rues de la Paix (désormais « de l’abbaye ») et de Saint-Germain-des-Prés (aujourd’hui « Bonaparte »).
Le clocher occidental
La robustesse massive du clocher occidental caractérise la silhouette de l’ancienne abbatiale, désormais église Saint-Germain-des-Prés. L’aspect extérieur révèle un édifice souvent remanié : précisément, le clocher, édifié au Xe siècle, fut surélevé d’un étage au début du XIIe siècle ; cet étage supplémentaire fut entièrement rebâti au XIXe siècle.
Les grandes baies des premiers étages ont conservé leur forme très archaïques mais, sur la face occidentale, les remplages sont l’œuvre de Victor Baltard, qui reçut, en 1840, la charge de la décoration des églises de Paris. L’irrégularité du parement des contreforts de l’angle sud-ouest et de la base méridionale du clocher paraît plus authentique que celui de la face principale, au-dessus du porche d’entrée.
Rue de l’Abbaye
L’élévation des bas-côtés nord
L’église Saint-Germain-des-Prés est en partie masquée par des constructions mitoyennes qui, au nord, ne laissent guère de prise sur les façades latérales. De ce côté, le passant empruntant la rue de l’Abbaye peut toutefois voir la base de l’une des tours du chevet, encore percée de baies rudimentaires, ainsi que l’élévation du transept. Il peut également apercevoir les arcs-boutants, sans doute les plus anciens d’Île-de-France. Seuls les murs de la nef présentent un intérêt décoratif, qui se résume à un cordon de billettes et des corniches à modillons.
L’élévation sud présente les mêmes éléments, mais ils ont été reconstruits ou transformés, à l’exemple de la porte Sainte-Marguerite ; voire remaniés, comme les contreforts du transept, amortis par de grands ailerons de goût baroque.
Le chevet
Le chevet fut, sans doute dès le premier quart du XIIe siècle, renforcé d’arcs-boutants : ceux-ci sont à simple volée et s’arrêtent un peu au-dessus du niveau du seuil des fenêtres hautes, laissant peu d’espace entre le toit du déambulatoire et l’intrados des arcs. L’ornementation est particulièrement soignée : de grosses colonnes sous chaque contrefort, des colonnettes flanquant les grandes baies ou séparant les baies gémelées, des cordons de fleurs de violette excavées sur l’archivolte des fenêtres.
Des contreforts moins saillants et dépourvus de glacis sommital, renforcent également le mur des chapelles rayonnantes. Les fenêtres basses sont simplement surmontées d’un cordon à double biseau qui surligne l’ogive des arcs.
A gauche, un modillon sculpté de la corniche du déambulatoire, vu depuis le square Félix-Desruelles ; à droite, les chapiteaux romans flanquant le portail
Les corniches des chapelles rayonnantes et du déambulatoire prennent appui sur des modillons simplement moulurés ou sculptés en masques effrayants.
D’autres sculptures, situées à l’intérieur du porche classique, conservent le souvenir de l’édifice roman : elles décorent les chapiteaux qui surmontaient autrefois des figures de l’Ancien Testament. Ces figures, provenant du portail méridional et placées ici lors des travaux de la porte Sainte-Marguerite, furent détruites pendant la Révolution.
Au-dessus de la porte d’entrée de l’église, le relief du linteau a subsisté, mais il est très mutilé : il représente La Cène.
La nef
(photographie prise avant la restauration des décors peints)
La nef remonte au second quart du XIIe siècle, mais son aspect paraît « gothique » en raison des voûtes d’ogives construites au XVIIe siècle, à l’imitation des voûtes du chœur. Elle était initialement couverte d’un plafond plat et les colonnes engagées entre les grandes arcades la séparant des bas-côtés étaient, à l’origine, dépourvues de chapiteau. Lors de la restauration de l’édifice, Étienne-Hippolyte Godde conserva l’arc en plein cintre des grandes arcades, qu’il souligna seulement d’une légère moulure.
Chaque arcade repose sur les tailloirs de vingt chapiteaux, dont une partie est historiée. Ce sont, pour l’essentiel, des copies librement réinventées d’après les chapiteaux d’origine, conservés au musée National du Moyen-Âge, à l’Hôtel de Cluny.
Le chœur, le sanctuaire et la nef, vers le portail d’entrée
(photographie prise avant la restauration des décors peints)
Lancé en 1145, sous l’impulsion de l’abbé Hugues de Saint-Denis, le chantier du sanctuaire (la partie du chœur située autour de l’autel) et du chœur (autrefois séparé du reste de l’église et nommé « chapelle des Apôtres ») se poursuivit jusqu’en 1163. Il coïncide précisément avec la naissance de l’architecture gothique en Île-de-France et tout porte à croire que Saint-Germain-des-Prés joua, au même titre que Saint-Denis, un rôle-clef dans l’éclosion du nouveau style.
Le sanctuaire et le chœur se logent entre les deux tours du chevet de l’ancienne abbatiale romane. L’élévation de la première travée (le sanctuaire) se caractérise, à l’étage, par deux baies gémelées, séparées par des colonnettes à chapiteau, et une grande baie aveugle, au second étage, qui reprend le rythme des fenêtres hautes.
Les travées suivantes (le chœur lui-même) présentent de grandes arcades, qui s’appuient sur des colonnes massives constituées d’un chapiteau à grandes feuilles, inspiré de l’ordre corinthien. Des faisceaux de colonnettes prennent leur appui sur le tailloir de ces chapiteaux et s’élèvent jusqu’aux voûtes, dont elles reçoivent les ogives. Des colonnettes isolées naissent au niveau du triforium et rejoignent les fenêtres hautes, dont elles recueillent les moulures de l’arc brisé.
Une clôture en fer forgé ferme chaque arcade et isole ainsi le chœur des collatéraux et du déambulatoire.
Le chœur
(photographie prise après la restauration des décors peints)
Le chœur fut remanié à plusieurs reprises : les galeries ouvertes sur combles furent, au XVIIe siècle, abaissées, en même temps que les toits des collatéraux et du déambulatoire, afin d’agrandir les fenêtres hautes et d’améliorer l’éclairage par la lumière naturelle. En 1823, ces galeries furent transformées en triforium.
Le plein cintre et l’arc brisé en tiers-point coexistent également dans le chœur : les arcades des travées droites sont en plein cintre et celles de l’abside, plus étroites, sont surhaussées et en tiers-point. Les travées de l’abside ne contiennent qu’une seule fenêtre ogivale et une seule baie de triforium, également flanquées de colonnettes.
Le bas-côté nord
Les bas-côtés de la nef ne sont pas longés de chapelles latérales, contrairement aux collatéraux et au déambulatoire contournant le chœur de l’église. Ces chapelles sont encadrées de piliers composés de colonnettes et de colonnes engagées sur lesquelles retombent les ogives, les arcs doubleaux et les arcs formerets.
Les chapelles rayonnantes du déambulatoire
Les bas-côtés ont été extrêmement transformés au fil du temps : le plafond d’origine fut remplacé par une voûte sur croisée d’ogives au XVIIe siècle, les fenêtres du bas-côté nord ont été bouchées, la fenêtre de la quatrième travée du bas-côté sud a cédé la place à la porte Sainte-Marguerite et celle de la travée suivante, à une chapelle dédiée à la même sainte.
Les chapelles latérales des collatéraux adoptent, pour quatre d’entre elles, un plan carré ; celles du déambulatoire ont un plan circulaire.
La voûte de la chapelle Saint-Joseph
Dans les collatéraux et le déambulatoire, le style « gothique » de transition se caractérise par la coexistence de l’arc en plein cintre et de l’arc brisé en tiers-point. Dans les chapelles des collatéraux, le plein cintre règne sur les doubleaux et les ogives, caractérise les formerets et les fenêtres ; c’est en revanche l’arc en tiers-point qui convertit les fenêtres des chapelles rayonnantes.
Deux chapiteaux du collatéral nord
Les parties les plus anciennes de l’édifice primitif subsistent dans le décor sculpté des chapiteaux couronnant les colonnes des collatéraux et du déambulatoire. Leur décor foisonnant de palmettes, de grandes feuilles, de harpies, de lions, d’oiseaux et de personnages tenant des rinceaux renvoient en effet à l’imaginaire roman, dont ils prolongent la tradition figurative. Certains chapiteaux mêlent aux feuillages des créatures mi-homme, mi-oiseau, qui appartiennent également au bestiaire roman.
La chapelle Saint-Germain
Les chapelles Saint-Germain, Sainte-Geneviève et Sainte-Anne sont ornées, selon un principe très fréquent à l’époque romane, d’arcatures basses en plein cintre, disposées sous un bandeau courant au niveau du seuil des fenêtres.
Dans la chapelle Saint-Germain, ces arcatures reposent sur des colonnettes à chapiteaux agrémentés d’une ornementation végétale. Cette chapelle est par ailleurs décorée de baies factices qui rythment la partie supérieure du mur, alors que de fines colonnettes se dressent entre chaque baie jusqu’à la voûte.
Un chapiteau à tête d’ange
Dans la chapelle Sainte-Anne, l’un des chapiteaux des arcatures basses reprend la tradition romane du décor à figures : ce chapiteau, daté du XIIe siècle, décrit le visage juvénile d’un ange aux longs cheveux, sous un casque à cimier.
La grande fenêtre et la voûte du bras nord du transept
(photographie prise après la restauration des décors peints)
En 1645, le transept, initialement couvert d’un plafond de bois, reçut, deux ans après la nef, une voûte sur croisée d’ogives. Il fut également percé de grandes fenêtres à ses deux extrémités : ces fenêtres sont dotées d’un arc brisé prétendument gothique et présentent un remplage à deux lancettes, surmontées d’un oculus.
Le gisant de Jacques Douglas
La sculpture funéraire a enrichi, au fil du temps, le décor des chapelles et des bras du transept ; nous pouvons encore aujourd’hui admirer gisants, priants et figures allégoriques de quelques tombeaux et cénotaphes. Au milieu du XVIIe siècle, Michel II Bourdin (1609-1678), chargé de réaliser le tombeau du fondateur de l’abbaye, le roi Childebert, puis ceux de Chilpéric et de son épouse, Frédégonde, ainsi que ceux de Clotaire II et de la reine Blitilde, contribua largement à l’embellissement des lieux.
Il réalisa par exemple le tombeau de Jacques Douglas, issu d’une illustre famille de princes d’Écosse, descendants du roi Jacques Ier, dont l’aïeul, Guillaume Douglas, avait fini ses jours en exil à la cour du roi de France Henri III. Son gisant est disposé dans la chapelle Sainte-Thérèse : le défunt paraît en armure, à moitié couché sur des coussins, avec un livre dans la main droite.
Le gisant de Guillaume Douglas
La chapelle Saint-Joseph conserve par ailleurs le gisant de Guillaume Douglas. Malgré la similitude de la pose à demi-allongée et de la cuirasse, Michel II Bourdin n’est pas retenu comme l’auteur de cette sculpture.
Le cénotaphe de Jean II Casimir Vasa, roi de Pologne
Le transept abrite les monuments funéraires d’hommes illustres liés à l’histoire de l’ancienne abbatiale ou à celle du règne de Louis XIV, ainsi que les somptueux autels de saint François-Xavier et de sainte Marguerite.
Le cénotaphe de Jean II Casimir Vasa (1609-1672), roi de Pologne, devenu abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés en 1668, après son abdication, occupe l’extrémité du bras nord du transept. Il s’inscrit dans une large arcade en plein cintre qui retient un lourd rideau à franges et laisse voir la figure du défunt.
Le roi de Pologne paraît au milieu d’emblèmes militaires ; il est représenté à genoux, revêtu des habits sacerdotaux ; il abdique en présentant sa couronne et son sceptre. Cette figure et ses ornements sont l’œuvre des frères Gaspard (1624-1681) et Balthazar (1628-1674) Marsy. Le bas-relief du soubassement représente la bataille menée, en 1661, en Lituanie, contre les Moscovites. Il a été fondu en plomb d’après le modèle original soumis par Jean Thibault (1637-1708), frère convers de l’abbaye.
L’autel de saint François-Xavier
Sur le mur latéral du bras nord du transept, l’autel de saint François-Xavier présente une noble architecture flanquée de puissantes colonnes de marbre à chapiteau composite, qui supportent une voûte à caissons. Cette architecture abrite la figure colossale du saint, sculptée en 1723 par Guillaume I Coustou (1677-1746). Dans un esprit quelque peu baroque, Coustou imagine une attitude très vivante, suggérée par le geste éloquent de la main, qui agite les draperies de l’habit du missionnaire.
Le bras sud du transept abrite le monument aux cœurs d’Olivier et Louis de Castellan, soldats morts alors qu’ils combattaient pour le roi de France. Commandé à François Girardon (1628-1715) en 1678, le monument se composait d’un sarcophage au-dessus de trophées d’armes syriennes et romaines, en hommage aux exploits des défunts sur le champ de bataille. Deux squelettes grimaçants en stuc retenaient en outre des rideaux qui laissaient voir les allégories de La Piété et de La Fidélité, tenant les portraits des défunts.
De ce côté, l’autel de sainte Marguerite fait pendant à celui de saint François-Xavier : une architecture rythmée de colonnes et de pilastres soutient un entablement et une voûte en cul-de-four, devant laquelle se tient une statue de la sainte, sculptée par Jacques Bourlet (1663-1740), frère de l’abbaye.
La chapelle de la Vierge
Contrairement aux chapelles rayonnantes mitoyennes, la chapelle dédiée à la Vierge ne remonte pas à la construction du chœur. Elle fut bâtie en 1819, à l’emplacement de l’ancienne chapelle axiale, dont l’état avait été jugé dangereux.
Dotée d’un éclairage zénithal, elle s’articule autour d’un maître-autel à l’architecture inspirée de la Renaissance, qui supporte la statue d’une Vierge à l’Enfant. Elle présente également deux fresques en arc de cercle, composées par François-Joseph Heim (1787-1865) en 1829 : le mur de gauche porte L’Adoration des Mages et celui de droite, La Présentation de l’Enfant Jésus au Temple.
L’année précédente, Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy (1755-1849) dessinait, à la demande d’Hippolyte Godde, l’étonnante chaire néo-classique de la nef. Réalisée par Georges Jacquot (1784-1874), cette chaire aux formes strictement géométriques est flanquée de deux allégories drapées à l’antique et surmontée d’un dais, tenu par des cariatides en gaine.
Les décors peints du chœur
(photographie prise après la restauration des décors peints)
Une campagne de restauration fut entreprise entre 1821 et 1854, d’abord sous la direction d’Étienne-Hippolyte Godde, puis sous l’autorité de Victor Baltard. Ce dernier, chargé de la décoration des églises de Paris, commanda, en 1842, à son ami Hippolyte Flandrin (1809-1864) la réalisation de grands tableaux muraux.
C’est ainsi que l’artiste réalisa, pour décorer le sanctuaire, La Montée au calvaire et L’Entrée à Jérusalem. A partir de 1846, Flandrin entreprit le décor du chœur, où il adopta un style néo-byzantin, tel qu’il avait pu voir à Saint-Marc de Venise.
Enfin, entre 1856 et 1863, il composa les peintures de la nef, qui comprennent vingt scènes tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament. Après la mort de Flandrin, Sébastien Cornu (1804-1870) poursuivit ce chantier de décoration dans le transept.
Saint André et saint Pierre
(photographie prise après la restauration des décors peints)
Hippolyte Flandrin reçut l’aide de ses élèves et s’associa à Alexandre Denuelle (1818-1879), qui réalisa la voûte azurée semée d’étoiles dorées et les motifs purement décoratifs. Les deux artistes représentèrent, sur les travées droites du chœur, la figure des douze apôtres, vêtus d’une toge, qu’il plaça sur un fond d’or traversé de rinceaux.
Le lion, emblème de saint Marc
(photographie prise après la restauration des décors peints)
Les quatre travées en hémicycle sont en revanche consacrées aux emblèmes des évangélistes, disposés autour de l’Agneau, que Flandrin situa exactement dans l’axe.
Le monument à Flandrin
Les amis, les élèves et les admirateurs d’Hippolyte Flandrin firent placer, en 1864, un monument commémoratif à la mémoire de l’artiste dans le bas-côté nord de la nef.