Place de l’Odéon
A l’étroit dans la salle du « jeu de paume » de la rue des Fossés-Saint-Germain (actuelle rue de l’Ancienne-Comédie), les comédiens ordinaires du roi suscitèrent l’attention de Louis XV, qui décida de leur consacrer une nouvelle salle. Dans la foulée, le marquis de Marigny, surintendant des Bâtiments du roi, désigna les architectes Marie-Joseph Peyre et Charles de Wailly. En 1768, ceux-ci remirent un premier projet en concurrence avec le projet des architectes des Menus-Plaisirs, Denis-Claude Liégeon et Jean Damun, soutenus par la troupe des comédiens, et celui de l’architecte de la Ville de Paris, Pierre-Louis Moreau-Desproux.
L’emplacement du premier « théâtre-monument » de la capitale fut cependant suspendu à la vente de l’Hôtel de Condé. Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, avait en effet décidé, vers 1765, de vendre son hôtel particulier, situé à la lisière du quartier Saint-Germain, près du Luxembourg, pour financer son installation au palais Bourbon et l’entretien de son château de Chantilly. Choisi pour l’édification du théâtre, le terrain de l’Hôtel de Condé suscita évidemment l’intérêt des promoteurs. En 1773, Louis XV mit un terme aux convoitises en s’en portant acquéreur, mais sa mort compromit l’avancement du projet.
C’est à la faveur d’un legs que l’affaire se débloqua. En 1778, Louis XVI offrit, en plus du palais du Luxembourg, les terrains de l’ancien Hôtel de Condé au comte de Provence, son frère. Celui-ci décida aussitôt d’en faire don pour l’édification du nouveau théâtre et s’engagea à assumer les frais de la construction. La même année, le comte d’Angiviller, successeur de Marigny, retint l’un des projets de Peyre et De Wailly. En 1780, le comte de Provence posa la première pierre.
Vue du théâtre de l’Odéon, gravure, Marseille, Musée des Civilisations de l’europe et de la Méditerranée
Préoccupé d’urbanisme, D’Angiviller saisit l’occasion de cette nouvelle salle pour remodeler les immeubles voisins. L’édifice s’imposa ainsi comme le point le focal d’un nouveau quartier, aménagé lui aussi sur les plans de Peyre et De Wailly : un faisceau de cinq rues (Racine, Casimir-Delavigne, de l’Odéon, Crébillon et Regnard) convergeant vers la scène du théâtre et aboutissant sur une vaste place en forme d’amphithéâtre (place de l’Odéon), desservant et mettant en valeur le bâtiment.
Bordant la place, face au théâtre, quatre immeubles à façade concave, reprenant l’ordonnance du théâtre, furent également construits : ils comprennent un grand rez-de-chaussée à refends avec, en alternance, arcades et baies rectilignes, puis trois étages, coiffés de combles à la Mansart percés de lucarnes. Parfaitement intégrée à son environnement, la façade du théâtre était initialement flanquée de deux pavillons qu’une grande arche reliait au bâtiment principal.
Le Théâtre-Français est un exemple remarquable d’architecture aux formes simples et à l’ornementation sobre, marquant un retour à l’antique. Un portique monumental d’ordre dorique précède la façade principale, supportant une frise à triglyphes et métopes qui, sous une corniche à mutules, se poursuit plus simplement tout autour de l’édifice. Une galerie à arcades en plein cintre entoure l’édifice de plan rectangulaire, pour aboutir dans le vestibule. Chaque arcade est surmontée d’une fenêtre et n’est séparée de l’étage noble que par une simple corniche sans ornementation. Les murs sont invariablement à refends. Un dernier étage, en mezzanine et percé d’oculi, couronne l’ensemble, serré entre la frise dorique et une corniche à modillons à la naissance du toit.
Rebaptisé « Théâtre de la Nation » en 1789, puis « Théâtre de l’Egalité » en 1794, l’édifice prend le nom de « Théâtre de l’Odéon », en 1796, en référence aux édifices de la Grèce et de la Rome antique affectés aux exercices de chants, aux représentations musicales, aux concours de poésie et de musique.
Les colonnes doriques du portique de la façade principale portent un entablement composé d’une frise de métopes caractérisées par un cercle en relief et de triglyphes. Cette frise est surmontée d’une corniche dont les mutules sont disposés en face de chaque triglyphe. Entre la frise et la corniche, se loge en outre un rang de denticules.