Quai de Conti
Gabriel Pérelle (1603-1677)
Vue du collège des Quatre-Nations, vers 1666, dessin, Louvre
Dès 1656, sur l’exemple de Richelieu, qui avait fondé le nouveau collège de Sorbonne, le cardinal de Mazarin songe à la fondation d’un établissement destiné à l’instruction gratuite de soixante gentilshommes des nations réunies à l’obédience royale par le traité de Westphalie (1648) et le traité des Pyrénées (1659). Ce projet promet alors de consacrer la gloire posthume du ministre en désignant opportunément les jeunes étrangers devenus de nouveaux sujets du roi grâce à la politique menée sous son autorité. En 1657, Mazarin confie à son homme de confiance, Jean-Baptiste Colbert, le soin de choisir l’architecte capable de mener à bien le projet : Colbert désigne Louis Le Vau qui, sur l’emplacement de la tour de Nesle, face au Louvre, érige les bâtiments du collège des Quatre-Nations.
Le Vau conçoit une composition théâtrale : les façades principales du collège « Mazarin », faisant face à la Seine, comprennent un avant-corps central surmonté d’un dôme, entre deux ailes incurvées dessinant un hémicycle, conclus par deux gros pavillons terminaux. Dans l’axe, l’avant-corps central sert de portail à la chapelle du collège. Située à gauche, l’entrée principale donnait accès à la cour d’honneur, initialement hexagonale et finalement recoupée, suivie d’une seconde cour, très vaste et d’une troisième plus étroite, dite « cour des Cuisines ».
Bibliophile accompli, le cardinal de Mazarin fonde la première bibliothèque publique, qu’il ouvre aux savants dès 1643. Le ministre principal de Louis XIV avait réuni plusieurs milliers d’ouvrages dans son hôtel particulier (palais Mazarin), qui occupait l’espace compris entre les rues des Petits-Champs, de Richelieu, Colbert et Vivienne. Dispersée durant son exil, puis reconstituée à son retour au pouvoir et amputée de ses manuscrits à la faveur d’un échange avec la bibliothèque du roi, la bibliothèque du ministre, léguée au collège des Quatre-Nations, constitua le fonds d’origine de la bibliothèque Mazarine. En la faisant transporter au collège des Quatre-Nations, le ministre pérennisait sa fabuleuse collection personnelle. Rouverte en 1689, la bibliothèque Mazarine demeure en fonction sous la Révolution, bénéficiant même des saisies révolutionnaires.
Après la mort de Le Vau, en 1670, François II d’Orbay est chargé d’élever le dôme circulaire de la chapelle, en forme d’ellipse à l’intérieur de l’édifice. Dès 1688, le collège des Quatre-Nations accueille de premiers élèves. L’établissement fonctionne jusqu’à sa fermeture, en 1791.
En 1805, l’ancien collège des Quatre-Nations est attribué à l’Institut de France, créé dix ans plus tôt. L’Institut regroupe alors cinq académies : l’Académie française, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des Beaux-Arts et l’Académie des sciences morales et politiques. Dès sa création, l’Institut est doté d’une bibliothèque de travail, dont le noyau d’origine provient de la bibliothèque de la Commune de Paris. Dans les premières années de sa création, les collections de la bibliothèque de l’Institut s’enrichissent diversement, provenant notamment des bibliothèques des anciennes académies royales, démantelées en 1793.
Aménagée dans le pavillon de gauche sur le quai et dans une aile adjacente, la bibliothèque Mazarine est rattachée à l’Institut en 1945, relevant toutefois du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Place de l’Institut
L’aile droite de l’ancien collège des Quatre-Nations
Les ailes incurvées du rez-de-chaussée de la façade principale présentaient autrefois de grandes arcades en plein cintre réduites à une baie rectangulaire surmontée d’un œil-de-bœuf . Ce dispositif associait ainsi boutiques et entresols d’habitation, dans l’objectif de percevoir des loyers. Des pilastres ioniques se dressent entre ces baies : ils soutiennent une corniche saillante séparant nettement le rez-de-chaussée de l’étage. Des pilastres corinthiens encadrent les fenêtres rectangulaires de l’étage, entre de fines consoles terminées par une guirlande de feuilles de chêne aux branches chargées de glands. Une balustrade aveugle couronne l’élévation de chaque aile, depuis la chapelle jusqu’au pavillon de la bibliothèque et au pavillon des arts.
Le pavillon de la bibliothèque
La façade principale du collège des Quatre-Nations se termine par deux gros pavillons carrés, ornés de pilastres colossaux à chapiteau corinthien. Ces chapiteaux supportent une frise dépourvue d’ornements qui court sous une corniche à modillons. Des pots-à-feu ornent la base de la toiture des deux pavillons, dont la façade extérieure comprend une travée supplémentaire.