Rue de Furstenberg
La cour du musée national Eugène-Dealcroix
A la fin de décembre 1857, Eugène Delacroix quitta son atelier situé au cœur de la Nouvelle-Athènes, rue Notre-Dame-de-Lorette, pour occuper un appartement dans la rue de Furstenberg, à quelques encablures de l’église Saint-Sulpice où le peintre travaillait à la décoration d’une chapelle.
Cet appartement s’étendait sur une partie du premier étage d’un immeuble donnant sur une cour étroite, délimitée par un arc en anse de panier et fermée par un large porche à double battant. C’est probablement le jardin clos, petit ilot de verdure dont il avait la jouissance exclusive, qui détermina Delacroix à s’installer rue de Furstenberg. Il y fit bâtir un atelier sur mesure, à la façade éclairée par une grande baie vitrée.
L’ancien appartement et l’atelier de la rue de Furstenberg composent aujourd’hui le musée national Eugène-Delacroix.
La placette de la rue de Furstenberg
Le passage menant à l’immeuble où vécut Delacroix est pratiqué dans le rez-de-chaussée d’un bâtiment à deux niveaux et grandes lucarnes, qui servait probablement de remise. Devant ce bâtiment, la rue de Furstenberg s’apparente à une placette, dotée d’un terre-plein central. Cette placette est plantée de quatre paulownias, entre lesquels se dresse un lampadaire à cinq lanternes. Elle formait autrefois la cour des écuries du palais abbatial, que Guillaume-Egon de Furstenberg, abbé de l’abbaye de Saint-Germain-des-Près, avait fait agrandir et embellir. Les bâtiments situés à sa périphérie, édifiés à la fin du XVIIe siècle, abritaient les communs du palais abbatial.
Tracée pour donner un accès direct au palais, la rue de Furstenberg aboutissait, vers 1699, à cette petite place, qui donnait elle-même sur la cour abbatiale, située plus au sud mais démantelée pendant la Révolution. Dénommée « de Furstenberg » en 1723, la rue fut rebaptisée « rue de Wertingen » au début du XIXe siècle, puis reprit son nom à la chute de l’Empire. Privé de sa cour, le palais abbatial « brique et pierre » se dresse désormais devant la rue de l’Abbaye, percée en 1800, et le tronçon méridional de la rue de Furstenberg.
Le jardin clos
Le « mémoire de jardinage pour le compte de Monsieur Delacroix », daté du 26 novembre 1857, nous apprend que de la vigne et des massifs ornaient le jardin clos, dont la végétation était probablement dense et variée. Ce document évoque également la création de massifs de fleurs bordés de thym et la plantation d’un grand nombre de rosiers divers, groseilliers, framboisiers et de plusieurs arbres. Restauré à la fin de l’année 2012, le jardin clos comprend plusieurs allées filant entre les parterres bordés de buis et encadrant la pièce de gazon, en face de l’atelier. Le visiteur du musée peut désormais s’y promener, s’asseoir sur le banc circulaire, le reposoir en pierre ou les chaises pliantes.
L’atelier d’Eugène Delacroix
La façade de l’atelier est incrustée, à l’image des demeures néoclassiques anglaises, de moulages d’œuvres antiques. Ces moulages rappellent que l’artiste s’est intéressé à l’antiquité gréco-romaine tout au long de son activité. Delacroix ne se rendit jamais en Italie ni en Grèce, mais voyagea, en 1832, au Maroc, où « les Grecs et les Romains étaient à sa porte », et put aussi satisfaire sa curiosité dans les collections du Louvre et du British Museum.
Au-dessus des fenêtres encadrant la baie vitrée, les moulages carrés reproduisent deux métopes du Théséion représentant les combats de Thésée (Ve siècle avant J.-C.) ; au-dessous, la frise, surplombant la porte du rez-de-jardin, copie le relief de la cuve du sarcophage des muses (IIe siècle avant J.-C.).
L’intérieur de l’atelier
L’atelier comprend un petit vestibule et une vaste pièce, éclairée par une grande baie vitrée donnant sur le jardin. Son accrochage est évolutif. Parmi les tableaux accrochés aux murs, j’ai remarqué une copie du fameux tableau de Delacroix, La Mort de Sardanapale, réalisée par son ami Frédéric Villot (1809-1875).
Contre le mur du fond, L’Éducation de la Vierge, que Delacroix réalisa en 1842, alors qu’il séjournait dans la propriété berrichonne de George Sand, a retenu mon attention. De même, j’ai longuement contemplé l’ étonnant tableau, exécuté vers 1824-25, posé sur un chevalet, dans l’angle de la pièce : il regroupe diverses études sans rapport les unes avec les autres, notamment des couvertures d’évangéliaires et des figures d’après Goya.
Enfin, le tableau de sous-bois, par Paul Huet, rappelle l’amitié qui lia le grand peintre d’histoire au talentueux paysagiste, surnommé à juste titre le « Delacroix du paysage ». La salle d’atelier présente également des vitrines renfermant divers objets rapportés du Maroc, ainsi qu’une palette ayant appartenu à l’artiste.
Les abords de l’atelier
Après la mort de Delacroix, en 1863, les locataires successifs songèrent à détruire l’atelier. Des peintres, parmi lesquels Maurice Denis et Paul Signac, deux historiens de l’art, dont André Joubin, et un amateur, le Docteur Viau, créèrent, en 1929, la Société des Amis d’Eugène Delacroix. Reconnue d’utilité publique en 1934, cette société forma le projet d’ « assurer l’existence et l’entretien » des lieux et de promouvoir l’œuvre de Delacroix. En 1952, elle céda ses collections aux musées nationaux pour être en mesure de se porter acquéreur de l’appartement, de l’atelier et du jardin clos. Elle fit don des bâtiments à l’État, qui créa le musée en 1971.